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L'épopée épique des goums marocains

C'est au 5 novembre 1908 que l'on fait remonter l'origine des goums marocains. Ce jour-là, le général d'Amade, commandant le corps d'occupation français débarqué sur les côtes marocaines suite aux événements tragiques de Casablanca d'août 1907, décida de mettre sur pied six goums pour assurer la garde de la Chaouia. Les éléments formant alors les forces supplétives marocaines comprenaient :
    - des unités permanentes (makhzens, goums) assurant le maintien de l'ordre et la sécurité des tribus ;
    - des unités levées temporairement (fezzaâ, guichs, méhallas, harkas) ayant mission de participer à des opérations de police à l'intérieur du territoire marocain.

Le nombre des goums ainsi levés ira en s'accroissant progressivement : 15 en 1914, 21 en 1918 (soit une croissance de 6 goums durant la période de la Première Guerre mondiale), 27 en 1924 (au moment de la guerre du Rif), 51 en 1934 (année correspondant pour la France comme marquant la fin des opérations de "pacification" du Maroc). A leur tête furent placés des officiers du service des Affaires indigènes.

Un goum marocain dans l'Aisne

Cependant, en 1937, furent créés des goums auxiliaires effectuant des périodes d'instruction annuelle de 21 jours. Leur numéro fut celui du goum d'active majoré de 100, puis de 200 et de 300 lorsqu'il en existait déjà un.

La campagne 1939-1940

En juillet 1939, il existait 57 goums actifs et 64 auxiliaires. Après la mobilisation de septembre de la même année, il y eut 121 goums qui, en avril 1940, furent réunis en 16 groupements (bataillons) de 4 à 5 goums (compagnies) chacun. Chaque goum possédait un peloton à cheval, ceux du Sud avaient un peloton méhariste (par conséquent composé de dromadaires domestiques de selle, montés, à usage militaire). Trois de ces groupements, réunis au camp d'El Hajeb, partirent en juin 1940 pour le sud-tunisien, d'où ils harcelèrent les forces italiennes sur la frontière de Tripolitaine. Ils ne retournèrent au Maroc qu'après le cessez-le-feu faisant suite à l'armistice signé entre la France, d'une part, et l'Allemagne et l'Italie, d'autre part (signatures séparées).

Dans l'armée de l'armistice

Pour tromper la surveillance des commissions d'armistice allemande et italienne, le colonel Guillaume, directeur des Affaires politiques à la Résidence du Maroc, changea l'appellation des goums en "Méhallas chérifiennes", unités de police chargées d'assurer la police et la sécurité des tribus, mais entretenues sur le budget du protectorat.

La dissolution de plusieurs régiments de tirailleurs marocains permit d'augmenter les effectifs des "goums-dépôts" qui devinrent alors "goums de secteur". A la suite de nouvelles réductions d'effectifs imposées, furent créés des "travailleurs auxiliaires" qui n'étaient, en fait, que des goums déguisés.

Par ailleurs, d'autres goums furent groupés en "tabors". Chaque tabor comptait un goum hors-rang et quatre goums d'infanterie, effectifs qui lui donnèrent la force d'un gros bataillon.

Fin 1941, le général Guillaume - qui entretemps obtint les deux étoiles - organisa quatre "Groupes de tabors marocains" (régiments) à trois tabors chacun. Dix autres tabors furent mis sur pied et leur instruction se fit au coeur de la montagne marocaine (l'Atlas) où de l'armement et du matériel militaire furent dissimulés. Après le débarquement américain au Maroc, opération "Torch" (8 novembre 1942), 102 goums furent prêts à entrer en campagne.

La reprise des combats (1942-1943) : la campagne de Tunisie

En décembre 1942, les 1er et 2ème Groupes des tabors marocains (GTM) montèrent en ligne en Tunisie, suivis par un tabor (le 4ème) et un makhzen mobile de marche. Médiocrement armés et équipés (mousquetons et fusils Berthier, FM 1924/29, mitrailleuses Hotchkiss), dotés d'un matériel hétéroclite, ils combattirent pendant six mois les forces allemandes d'Afrique, faisant l'admiration des soldats anglais et américains et de leurs responsables par leur endurance, leur mobilité, leur rusticité et leur audace. Ce ne fut qu'au printemps 1943 qu'ils commencèrent à percevoir du matériel moderne américain (PM Thompson, carabines MI, Jeeps). Après avoir tenu tout l'hiver sur la dorsale tunisienne, vers Ousseltia puis Maktar, ils participèrent, en mai 1943, à l'offensive finale vers le djebel Zaghouan. A la fin de cette campagne, les goumiers retournèrent au Maroc et, en juin 1943, le général Guillaume prit le commandement des "goums mixtes marocains", ensemble à l'effectif d'une division légère, soit quatre GTM (régiments) à trois tabors. Chaque tabor comptait désormais un goum de commandement et d'engins et trois goums de combat.

Tableau d'Effectifs et de Dotations théorique 1943:

Goum d'infanterie
- 1 Commandant de Goum, 1 officier adjoint.
- 1 Groupe de Commandement: 1 escouade rocketgun, 1 pièce de mortier de 60, 1 groupe de mitrailleuses légères, 1 groupe d'éclaireurs à cheval (11 cavaliers), 1 train muletier de 28 animaux.
- 3 Sections de combat avec chacune: 2 sous-officiers français, 2 groupes F.M., 1 groupe d'assaut.
Effectif total: 2 officiers - 12 sous-officiers français, 209 Marocains.
Equipment: 9 F.M. - 1 mortier de 60 - 4 rocketgun - 2 mitrailleuses légères - 21 P.M. - 9 lance-grenades - 14 chevaux - 28 mulets - 1 jeep - 1 camion 2,5 t - 1 poste radio S.C.R. 284 - 4 postes radio S.C.R. 536.

Tabor marocain
- 1 Commandant de tabor, 1 officier adjoint-major, 1 officier de renseignements, 1 médecin.
- 3 goums d'Infanterie.
- 1 goum de Commandement et d'Engins de Tabor comprenant : 1 groupe de commandement, 1 groupe de transmissions, 1 section de mortiers de 81 (4 pièces), un peloton de 50 cavaliers avec 3 F.M., 1 groupe du Train (ravitaillement et infirmiers) soit pour ce goum: 7 officiers - 11 sous-officiers français - 174 Marocains avec 70 chevaux - 40 mulets - 4 jeeps - 4 camions 2,5 t - 4 postes radio S.C.R. 284 - 1 poste radio 195.
Effectif total: 14 officiers - 47 sous-officiers français - 807 Marocains.
Equipement: 112 chevaux - 124 mulets - 7 jeeps - 7 camions 2,5 t.

Groupe de Tabors marocains
- 1 Colonel Commandant le G.T.M., 1 chef d'Etat-Major, 1 officier de renseignements, 1 officier de transmissions, 1 médecin, 1 vétérinaire, 1 officier de ravitaillement, 1 officier A.M.M.
- 3 Tabors Marocains.
- 1 Goum de Commandement et d'Engins de G.T.M. comprenant : 1 groupe de commandement, 1 groupe de transmissions, 1 section de protection et de pionniers, 1 peloton d'estafettes à cheval (25 cavaliers), 1 peloton d'engins (3 pièces antichars - 4 mortiers de 81), 1 groupe du Train (auto et muletier) soit pour ce goum : 11 officiers - 32 sous-officiers et gradés français - 245 Marocains - 39 chevaux - 38 mulets - 5 jeeps - 1 Command Car - 4 camions de 2,5 t - 3 camions 1,5 t - 3 sanitaires.
Effectif total d'un G.T.M. - 50 officiers - 165 sous-officiers et gradés français - 2727 Marocains - 375 chevaux - 410 mulets.

En Méditerranée pour la libération de la Corse (1943-1944)

Après l'Afrique du Nord, les forces alliées s'élancèrent vers l'Europe, et ce fut le débarquement en Sicile (opération "Husky"). Le général Patton - ayant apprécié la bravoure des soldats marocains - demanda la présence d'un tabor aux côtés de ses troupes. Le 4ème tabor - qui avait combattu en Tunisie contre les troupes de l'axe - fut ainsi rattaché successivement aux 3ème, 1ère et 9ème divisions d'infanterie américaine (DI US), représentant brillamment l'armée française pendant la conquête de l'île italienne, du 14 juillet au 18 août 1943.

A la même époque, les quatre GTM se rassemblèrent en Algérie, dans la région de Tlemcen. Le 2ème GTM quitta le premier la terre d'Afrique pour participer avec le bataillon de choc et les éléments de la 4ème Division motorisée marocaine (DMM), à la libération de la Corse (opération "Vésuve", septembre-octobre 1943). Débarqué à Ajaccio, le 2ème GTM remonta l'île jusqu'à Bastia, après s'être illustré notamment au col de Teghime.

Plus tard, les Marocains participèrent aux combats de l'île d'Elbe (17-19 juin 1944, opération "Brassard") qui s'achevèrent par la prise de Porto-Longons.

La campagne d'Italie (1943-1944)

Entre-temps, le 4ème GTM fut dirigé sur l'Italie, fin novembre 1943. Il fut suivi, en décembre, par le 3ème GTM, puis, en avril 1944, au plus fort des combats pour la conquête du Mont-Cassin (ou Monte Cassino) - au cours desquels soldats marocains et polonais se battirent côte à côte contre leur ennemi commun -, par le 1er GTM. Après une lente et difficile progression le long de la péninsule marquée par les combats féroces de la Mainarde et de Monna Casale, les trois GTM formèrent, avec la 4ème DMM, le "corps de montagne" du général Sevez, qui prit part à l'offensive menée, à partir du 11 mai, à travers les monts Ausoni, Aurunci et Lépini, pour déboucher sur Rome et progresser ensuite jusqu'à Sienne et la Toscane. A l'issue de cette campagne, les 1er et 3ème GTM rejoignirent le 2ème en Corse, tandis que le 4ème GTM rentra, en septembre, au Maroc, pour s'y reconstituer.

La campagne de France (1944-1945)

Le 18 août 1944, les tabors marocains mirent le pied sur le sol de France. Après avoir libéré Marseille, le 1er GTM fut dirigé sur les Alpes où il participa aux combats de libération du Briançonnais, du Queyras et de l'Ubaye, tandis que les 2ème et 3ème GTM, remontant la vallée du Rhône, atteignirent le Jura et les Vosges où les attendait un adversaire décidé à défendre avec acharnement l'accès à l'Allemagne. Les nazis s'accrochaient aux cols des Vosges, amenant en renfort des divisions jeunes qui attaquaient chaque nuit en chantant. Les pluies d'octobre dans les tristes forêts de sapins, les neiges de décembre et le froid glacial de janvier marquèrent les durs combats de l'hiver 1944-1945. Après avoir conquis un par un les cols des Vosges, les goumiers marocains connurent les combats impitoyables de la vallée de la Thur et d'Orbey, puis la bataille de Strasbourg. En janvier, avec un froid atteignant parfois -25°, le Rhin fut enfin atteint et les unités purent se reconstituer avant de participer, en mars, aux pénibles opérations de la forêt de Haguenau infestée de mines. En avril, le 4ème GTM arriva aux frontières du Reich pour relever le 3ème qui, à son tour, repartit se reconstituer au Maroc.

Les goumiers marocains: soldats différenciés des autres par leur tenue originale

Dans les rangs de la 1ère armée française débarquée en France en août 1944, uniformément équipée de tenues américaines kaki, les goumiers marocains ne passaient pas inaperçus. L'originalité de leurs tenues, fabriquées localement au Maroc, tranchait sur le reste de l'armée.

Chaque goum, étant une unité administrative, avait son propre modèle de "djellaba", sorte de pèlerine à manches, grossièrement tissée en laine épaisse, de teinte grisâtre, rendue imperméable par la présence de poils de chèvre et de laines de couleurs différentes. En général, s'y mêlaient de longues rayures blanches, noires, grises ou brunes. Quelques-unes étaient chinées. Mais pendant la campagne 1944-1945, les goumiers portaient tous une djellaba couleur muraille à raies brunes et noires, moins voyante. Un capuchon ("koub") servait à couvrir la tête par temps de pluie ou de neige, mais il était plus souvent utilisé comme sac à provisions. Le goumier percevait aussi une "gandoura" (blouse longue à manches courtes ou sans manches), une ample veste, un "séroual" (pantalon venant à mi-jambes). Ses jambes étaient protégées par des "tariouines" (bas de laine sans pied).
Les chaussures ("naâïl", pluriel de "naâla") étaient constituées par des plaques rectangulaires de peau de boeuf non tannée entourant la plante du pied, les poils restant à l'extérieur. Elles étaient fixées à la cheville par des cordelettes en palmier. Par la suite, lorsque le frimas les saisit en montagne, les goumiers eurent droit aux brodequins ou aux snow-boots.
Une sacoche en cuir ("choukara") leur servait de musette, elle était portée en bandoulière, alors qu'un poignard américain était le plus souvent glissé dans la ceinture retenant les cartouchières.
Comme coiffure, les goumiers portaient le "khiout" (constitué par un écheveau de laine brune) ou la "rezza" (coiffure marocaine particulière), parfois le chèche kaki clair. Pendant les opérations en Europe, les goumiers portèrent le casque américain "Mle 17 A 1" (type "plat à barbe"), parfois placé au-dessus de la "rezza" et souvent recouvert d'un filet de camouflage. Les cadres français portaient le képi bleu-clair des Affaires indigènes ou le bonnet de police (pendant la période de l'armistice 1940-1942, ces cadres portaient le béret basque).

Si lors de la campagne de Tunisie, les goumiers marocains devaient se servir de mousquetons 1892, de fusils 1907-1915, de FM 1924-1929 avec un équipement constitué de cartouchières modèle 1916 (bien que l'on rencontrât, à cette époque, dans certains goums, des équipements sahariens), l'armement des soldats marocains fut à partir de la seconde moitié de 1943 le même que celui qui équipait les divisions américaines et le reste de l'Armée d'Afrique (PM Thompson, carabine US M1, fusil 1903 ou US 17, mitrailleuses US calibre 30 et 50, mortiers de 60 et 81 mm). Les goumiers avaient, pourtant, conservé le fusil-mitrailleur français 24/29.
Avant le débarquement en France, ils perçurent en Corse, en 1944, des canons antichars américains.

Les campagnes d'Allemagne et d'Autriche (1945)

Ce fut le 1er GTM qui, au prix de lourdes pertes, perça la ligne Siegfried. La porte de l'Allemagne fut ouverte. Franchissant ensuite l'Enz, il prit Pforzheim, arriva dans la région de Stuttgart pour achever sa marche victorieuse sur le Danube. Pendant ce temps, le 2ème GTM participa au nettoyage de la Forêt Noire avant d'atteindre triomphalement le Tyrol, le 5 mai. Quant au nouveau 4ème GTM, il fut, lui aussi, engagé vers Pforzheim et lia son action à celle des deux autres Groupes de tabors poussant jusqu'à Stuttgart.

Ainsi s'acheva pour les goums marocains le second conflit mondial : 67 officiers, 104 sous-officiers et 1.454 goumiers moururent pour la France, de 1942 à 1945. Le 14 juillet 1945, le colonel Hogard, qui avait remplacé depuis septembre 1944 le général Guillaume, reçut des mains du général de Gaulle le drapeau des goums marocains. Puis les guerriers berbères rentrèrent au Maroc où les quatre GTM furent dissous le 1er octobre suivant. Quatre tabors gardèrent cependant leurs traditions. Ce furent respectivement les 3ème (1er GTM), 1er (2ème GTM), 10ème (3ème GTM) et 8ème tabors (4ème GTM).

Les guerriers marocains rentrèrent chez eux, et pour la plupart revinrent se reposer dans leurs tribus d'origines, mais l'épopée n'était pas terminée pour autant pour eux.

Les goums marocains en Indochine: à l'autre bout du monde : l'Asie

Tandis qu'en Europe - mais pas partout puisque, aussi bien dans les Balkans qu'en Europe de l'Est, de véritables guerres civiles se développaient -, la paix succédait à cinq longues années de guerre, à l'autre bout du monde (en Asie), l'expansion nippone avait profondément marqué les possessions françaises d'Indochine, où surgirent durant l'occupation japonaise des mouvements fortement structurés réclamant l'indépendance des territoires qu'ils avaient peu ou prou eux-mêmes libérés, avant même le retour en puissance de la Métropole. Ce fut le début d'un nouveau conflit qui, pour la France, allait s'achever tragiquement en 1954 par la défaite (et le désastre) de Diên Biên Phu, revers militaire suivi par les accords de Genève et la fin des hostilités permettant l'accès à l'indépendance des territoires indochinois.

La campagne d'Indochine (1948-1954)

En août 1948, le 10ème tabor débarqua en Indochine, il y resta jusqu'en juillet 1950. Deux autres le suivirent : le 8ème tabor en décembre 1948 (qui fut décimé par l'adversaire en octobre 1950) et le 3ème tabor en juin 1949 (et y resta jusqu'en mars 1951). A partir de cette dernière date, trois tabors marocains furent en permanence sur place. Ils formèrent le "Groupement de tabors marocains d'Extrême-Orient" ("GTMEO") et leur relève se fit tous les deux ans.

Aux trois premiers tabors, succédèrent successivement le 1er tabor (de juin 1950 à avril 1952, son chef, le commandant Feaugas fut capturé), le 11ème tabor (d'août 1950 à juillet 1952), le 17ème tabor (de janvier 1951 à novembre 1952), le 9ème tabor (d'avril 1952 à avril 1954), le 5ème tabor (de juin 1952 à juin 1954), le 2ème tabor (de novembre 1952 à octobre 1954) et enfin, en second et dernier séjour, les 10ème (de février à novembre 1954) et 8ème tabors (d'avril à novembre 1954).

Utilisés d'abord principalement au Tonkin (dans les rizières du delta du Fleuve Rouge, les montagnes du pays Thaï ou sur la zone-frontière du nord-est avec la Chine), les goumiers de l'Atlas durent s'adapter à une nouvelle forme de guerre (la guérilla) et à un climat (la mousson) bien différent de celui de leur région d'origine, voire de celui subi en Europe occidentale durant la Deuxième Guerre mondiale.

En octobre1950, les goumiers subirent de lourdes pertes au cours des combats le long de la Route coloniale n° 4 où le 8ème tabor fut pratiquement anéanti. En 1952-53, le 9ème tabor fut employé sur les plateaux montagnards du Centre-Annam, tandis que d'autres le furent au Laos en 1953-54 (5ème puis 10ème et 8ème tabors).

Au total, neuf tabors participèrent à la campagne d'Indochine entre 1948 et 1954, dont deux effectuèrent vers la fin de la guerre un second séjour (les 8ème, reconstitué et 10ème tabors).

Dans l'ensemble, leurs pertes, pour cette période, s'élevèrent à 16 officiers, 41 sous-officiers et 730 goumiers tués.

L'uniforme et l'équipement des goumiers marocains en Indochine

L'uniforme des goums marocains n'avait guère évolué depuis les campagnes de Tunisie, d'Italie, de France, d'Allemagne et d'Autriche des années 1943-45. La tenue de toile kaki fut plus souvent portée que la djellaba. Mais celle-ci était encore très supportable en haute région et pendant l'hiver tonkinois. La gandoura en toile fut, sans doute, mieux adaptée au climat tropical. Elle était similaire à celle des spahis.

Le casque colonial perçu au départ fut vite remplacé par le chapeau de brousse à bord relevé. Quant au casque d'acier, il semblerait avoir été peu porté. De même, le chèche en toile légère fut préféré au khiout en laine. Les cadres européens portèrent le bonnet de police bleu-foncé à fond bleu-ciel (sans passepoil) ou le képi à bandeau bleu-ciel, à l'instar de celui des compagnies sahariennes.

L'armement fut identique à celui du reste du corps expéditionnaire (PM MAT-49, fusil MAS-36, fusil-mitrailleur 24/29, mitrailleuse MAC-31 Reibel et mitrailleuse US, mortiers de 60 et de 81 mm).

Une règle générale chez les goums était que la hampe de leur fanion les caractérisant était agrémentée d'une queue de cheval, probablement symbole de leur vertu guerrière.

En Tunisie

En juin 1954, le général Boyer de la Tour - désormais résident général de France en Tunisie, après avoir commandé le 2ème GTM en tant que commandant en Tunisie (1942-1943), lieutenant-colonel en Corse et en Ile d'Elbe (1943-1944), colonel en France (1944-1945) et en Allemagne (1945) - demanda d'urgence l'envoi de deux goums pour maintenir l'ordre dans la régence.

Les 3ème et 41ème goums arrivèrent du Maroc en juin, mais ne firent qu'un rapide passage puisqu'ils y retournèrent début août.

A son tour, le 3ème tabor marocain fut dirigé en septembre sur la région de Kasserine où il demeura jusqu'en avril 1955. Il fut alors mis à la disposition de la 10ème région militaire (Algérie). Entre-temps, un tabor tunisien (Cne Bizard) fut levé sur place et y fut maintenu jusqu'à l'indépendance de la Tunisie en 1956.

En Algérie

Les événements survenus en Algérie depuis le 1er novembre 1954 nécessitèrent de la part de la France l'envoi de renforts sur ce territoire. Rentrant d'Indochine, les 8ème et 10ème tabors marocains furent détournés sur l'Algérie et arrivèrent dans le massif de l'Aurès, respectivement en janvier et en mars 1955. Ils furent rejoints par le 3ème tabor venant de Tunisie.

Au printemps 1956, ces trois tabors furent rapatriés sur leur territoire d'origine. L'indépendance du Maroc était proche et le commandement français commençait à déceler un certain malaise chez les goumiers, dû à l'incertitude de leur sort. Grâce à la qualité de leur encadrement et à la confiance qu'il leur inspirait, ce malaise n'alla pas dégénérer tragiquement comme cela se produisit à la même époque dans certaines formations de tirailleurs algériens.

Au Maroc

Le 2 mars 1956 fut signé entre le Maroc et la France l'accord mettant fin au régime du protectorat en vigueur depuis 1912. Le 9 mai, à N'kheïla, près de Rabat, se déroula une cérémonie d'adieu des goums à leur drapeau entouré, pour la circonstance, de 51 fanions des diverses unités. Et le 12 mai, après presque un demi-siècle au service de la France, les goums passèrent à l'armée marocaine. Deux jours après - soit le 14 mai -, ils prirent part au défilé militaire marquant la naissance des Forces Armées Royales, dont ils formaient désormais l'ossature. Ce premier défilé de l'armée marocaine dans le Maroc indépendant, présentée par son chef d'Etat major, S.A.R. le Prince Moulay Hassan se déroula en présence du Souverain marocain S.M. Mohammed V, au Méchouar de Rabat.

 

Le 2 juin 1956, le drapeau des goums fut déposé au Musée de l'Armée à Paris.

 

Mieczyslaw Wodzinski *

(*) L'auteur détient les maîtrises d'histoire, ès-lettres et de philosophie ainsi que la licence en histoire de l'art et archéologie décernées par l'Université Michel-de-Montaigne, Bordeaux III.

D'après Le Temps du Maroc - (n° 200 du 27 août 1999)